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LA SAISON IV (2023)

Les éditions Mesures ouvrent leur quatrième saison avec six mois de retard. Que puis-je dire de notre troisième saison sinon qu’elle s’est comme figée après le 24 février 2022 ? Nous venions de sortir deux livres essentiels pour nous, La Folie Tristan et L’Oiseau-loup, et nous étions à peine rentrés du Théâtre National Populaire où, sous l’égide de Jean Bellorini, nous avions vu des jeunes comédiens leur donner voix (et trois autres livres, Pluie, Orbe et La Russie l’été de Kari Unkosva n’étaient pas même encore mis en vente). La tragédie ukrainienne est venue tout bouleverser.

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LA SAISON IV (2023)

Les éditions Mesures ouvrent leur quatrième saison avec six mois de retard. Que puis-je dire de notre troisième saison sinon qu’elle s’est comme figée après le 24 février 2022 ? Nous venions de sortir deux livres essentiels pour nous, La Folie Tristan et L’Oiseau-loup, et nous étions à peine rentrés du Théâtre National Populaire où, sous l’égide de Jean Bellorini, nous avions vu des jeunes comédiens leur donner voix (et trois autres livres, Pluie, Orbe et La Russie l’été de Kari Unkosva n’étaient pas même encore mis en vente). La tragédie ukrainienne est venue tout bouleverser.


L’urgence, naturellement, était d’en parler, de toutes les façons possibles, en y mettant, autant que je pouvais, toute mon énergie, quasiment tout mon temps. Les Partages, les chroniques que je tiens sur Facebook depuis 2013, sont devenus, presque exclusivement, des chroniques de la guerre. Comment ne l’auraient-ils pas été dès lors que la guerre déclenchée par Poutine était le miroir de toute la violence de l’histoire russe que je n’ai pas cessé de dénoncer, dès lors que tous les auteurs russes publiés par Mesures ont mis en jeu leur vie pour faire résonner une parole libre en dépit de la dictature qui les brisait ? Guennadi Aïgui, qui a vécu toute sa vie dans la misère et une semi-clandestinité, et qui, en Russie même, n’est toujours pas reconnu comme l’une des voix majeures de la poésie du XXe siècle ; Léonid Andréïev, qui a refusé qu’un seul de ses livres soit publié sous le pouvoir bolchévique, et dont l’oeuvre a été oubliée pendant des décennies ; Iliazd, témoin de la guerre mondiale et de la guerre civile dans le Caucase et en Turquie, porteur d’une parole tellement libre et indomptable que, là encore, seuls les lecteurs de Mesures, ou quasiment, ont pu comprendre l’immensité de sa poésie ; et Alexandre Blok, et Marina Tsvétaïéva, et Daniil Harms, et Kari Unksova, qui a porté une oeuvre d’une ampleur inégalée et qui n’avait simplement jamais été publiée en Russie, – assassinée par le KGB en 1983… Aurait-on pu imaginer que nous restions indifférents ?
Toujours est-il que nous ne lançons notre Saison IV qu’aujourd’hui, en automne, et non au printemps comme les autres années.

Cette année, nous ne proposons que cinq livres – cinq livres, c’est déjà beaucoup pour nos frêles épaules –, cinq livres très différents, qui s’inscrivent directement dans le prolongement des précédents et auxquels nous tenons passionnément.


Les Enfants de la guerre
Le premier est un livre de photos. Pendant près d’un demi-siècle, de 1906 à 1952, une femme, Yvonne Kerdudo, qui s’était retirée dans le Trégor, au nord de la Bretagne, a photographié les paysans, les artisans, les soldats qui allaient partir au front, les femmes qui se faisaient photographier avec leurs enfants pour ces soldats qu’elles ne reverraient peut-être pas. Au total 22 00 clichés sur plaques de verre. Ces images s’inscrivent si bien dans le prolongement des textes de Françoise qu’elle n’a eu qu’à laisser parler les images : elle a choisi soixante images d’enfants pour composer ce qui pourrait être le roman silencieux de la Grande Guerre.


De vie à vie
On connaît aujourd’hui Marina Tsvétaïéva, mais qui connaît son ami et son aîné, Maximilian Volochine (1877-1932) ? Volochine, peintre, poète, objecteur de conscience pendant la Première guerre mondiale, avait acheté une grande maison à Kotkébel, au bord de la mer, en Crimée. Il y a accueilli des centaines de personnes. Pendant la Guerre civile, il a écrit les poèmes les plus effrayants jamais écrits en russe sur la guerre. Ces poèmes, cent ans plus tard, sonnent comme s’ils avaient été écrits aujourd’hui. Ce livre, dans une première version, était paru en 1991 aux éditions Clémence Hiver. J’ai revu la traduction que j’avais faite alors de l’essai éponyme qu’avait écrit Tsvétaïéva à la mort de son ami, et j’ai élargi le choix de poèmes de Volochine que j’avais publiés.


Les Juifs
Le troisième livre est une pièce, aujourd’hui totalement inconnue, d’un auteur lui aussi inconnu, Evguéni Tchirikov, né en 1864 et mort, comme Volochine, en 1932. Cette pièce, Les Juifs, écrite juste après les grands pogroms de Kichiniov, est un drame bouleversant et d’une grande complexité sur toute la vie juive dans la Russie
du début du siècle dernier. Faut-il s’assimiler, rester et subir en conservant la tradition et en refusant de se mêler aux goys, fussent-ils, eux aussi, des miséreux, ou bien partir en Palestine ? Et les non-Juifs, quelle attitude adoptent-ils ? Cette pièce, montée par Meyerhold en 1906, fut interdite en Russie mais jouée à travers l’Europe et aux États-Unis. J’ai voulu lui donner une deuxième vie.


Partages 2015-2016.
Les chroniques que je publie sur Facebook depuis 2013 sont un journal de travail et de vie, l’une des lignes de forces essentielles de mon travail : j’ai voulu reprendre une année de chroniques (de juillet 2015 à juillet 2016). Ce sont des chroniques politiques, évoquant une actualité que l’on pourrait dire inactuelle tant elle
est actuelle, des poèmes, des traductions, des souvenirs, et des traductions improvisées, qui sont des mot à mot commentés, appuyés sur la sonorité et la forme. Pour chacune de ces études, j’ai enregistré le texte russe. Ce sont des poèmes de Pouchkine, Zabolotski, Akhmatova, Mandelstam, Tsvétaïéva ou Alexandre Blok.


Les Sonnets de Shakespeare
Le cinquième livre enfin, ce sont les sonnets de Shakespeare, que nous avons traduits, Françoise et moi, en respectant la forme du sonnet anglais, le mètre et les rimes, de façon à ce qu’ils puissent être dits en même temps ou à côté de l’original anglais. Ce livre est naturellement bilingue. Je pourrais en parler pendant des heures, de ce livre, mais la place me manque ici. Disons que nous y tenons particulièrement, et que jamais, je crois, nous n’avions travaillé comme cela.


Le prix du papier, en l’espace d’un an, a augmenté de 100 %. Les frais de poste, eux aussi, ne cessent d’augmenter, surtout vers l’étranger. Et pourtant, nous ne changeons pas notre tarif d’abonnement. Ce sera toujours 100 €, tout frais compris, pour la France métropolitaine, 110 € pour l’UE et 150 € pour le reste du monde.
Souvenez-vous aussi que nous proposons plusieurs formules d’abonnement : l’abonnement à la saison (vous pouvez, même aujourd’hui, vous abonner à la saison I), et l’abonnement à la carte, qui vous permet de choisir cinq livres parmi les 22 que nous proposons dorénavant.
Naturellement, vous pouvez commander chaque titre sur notre site, et nous recevons les commandes de toutes les libraires de France et de Navarre.

Françoise parle de Mesures comme d’une « zone de liberté ». Mesures est, oui, un choix de liberté. Un choix de vie pour nos livres. Le choix du circuit court, qui implique une diffusion limitée, mais, dès lors que chaque volume est numéroté et signé, et donc unique, une relation particulière, unique, elle aussi, avec notre lecteur.

Nous ne faisons pas de service de presse, nous ne donnons pas (sauf cas unique) d’exemplaires gratuits. Nous ne faisons pas de dépôts en librairies. Nous ne pratiquons que la vente ferme.
Dans ce monde éditorial de flux continu et de surabondance qui laisse aux livres un ou deux mois de vie, c’est notre seule façon non pas même de survivre, mais de vivre. Nous n’existons que par le bouche à oreille, par le site de Françoise et par ma page Facebook, et par les rencontres auxquelles nous sommes invités.
Libres par leur forme, par la façon dont ils sont écrits, par leur contenu, par la façon dont ils sont conçus et vous parviennent, nos livres vivent leur vie grâce à nos amis, connus et inconnus. C’est tout ce que nous voulons.

André Markowicz,
1er octobre 2022.