LES ÉDITIONS MESURES

par André Markowicz

Les éditions Mesures sont une maison que nous construisons tous les deux, Françoise Morvan et moi, depuis 2018. Elle est née d’un double constat, d’une double nécessité.

En 2017, lorsque Françoise a achevé le livre qu’elle a intitulé Sur champ de sable, nous avons soudain pris conscience qu’il ne pourrait trouver place nulle part. Robert Gallimard qui suivait l’écriture de ce récit sans récit et sans narrateur avait disparu. Aucun éditeur n’aurait publié ce livre en quatre volumes rassemblant l’enfance (Assomption), l’adolescence (Buée), l’âge adulte (Brumaire) et la vieillesse (Vigile de décembre) – l’histoire d’une vie qui pourrait être celle de chacun, déroulée à partir de textes qui sont comme des instants d’éternité posés sur la trame d’un temps toujours vu au présent. Or, après les spectacles que Françoise avait écrits à partir des quatre volumes de Sur champ de sable, les spectateurs venaient lui demander les textes. Mais comment les publier ? Ces livres ne relevaient pas de l’édition de poésie et ne s’inscrivaient dans aucune tradition romanesque. Il s’agissait d’une forme nouvelle. Et les quatre livres devaient être publiés ensemble. 

En 2017, de mon côté, j’avais décidé de vendre l’appartement que j’avais acheté à Pétersbourg dans une tentative, vouée à l’échec, d’avoir un lieu près du lieu de mon enfance – un appartement communautaire où vivaient ma grand-mère et ma grand-tante (et je n’ai jamais rien fait d’autre que de traduire leur bibliothèque). J’avais compris qu’il fallait absolument partir, – partir pour toujours, parce que le lieu physique détruit le lieu mental et que la Russie de Poutine est monstrueuse. J’évoque cette tentative dans L’Appartement qui a aussi donné un film de Bérangère Jannelle. Créer une maison était une manière de passer outre cet échec et, en même temps, s’accorder avec les quatre livres de Sur champ de sable qui sont écrits à partir d’une maison d’enfance. 

J’ai alors pensé à Charles Reznikoff, que j’aime et que je traduis depuis toujours. Reznikoff, même s’il travaillait occasionnellement pour tel ou tel éditeur, publiait ses poèmes lui-même, à quelques centaines d’exemplaires, signés et numérotés, et les diffusait tout seul. 

Notre maison est née de là, – de la nécessité que nous sentions, tous les deux, de construire une maison pour garder nos maisons, – nos maisons mentales, celles qui, venues de l’enfance, nourrissent l’ensemble de notre travail. Et puis, j’ai toujours travaillé par cycles et voulu regrouper mes livres dans un seul lieu, une seule maison, sans séparer traductions et textes personnels, essais, poésie, conte, théâtre, critique… De même, Françoise, qui a mené des expériences en des domaines apparemment épars, se trouvait confrontée à une incompréhension que la publication de volumes hors norme ne pouvait qu’aggraver.  

Après avoir publié chacun plus de cent cinquante livres, nous avons décidé de construire un lieu où nous pourrions, dans un dernier cycle de travail, regrouper ce que nous voulions, et le faire d’une façon entièrement libre. 

Nous pouvions ainsi gagner la liberté de faire connaître, ensemble, des auteurs qui, eux-mêmes, ont vécu libres, au prix, souvent, eux, de leur propre vie, et qui, pouvaient former comme un chœur aux voix qui se répondent. 

Pour nous, le livre devait être d’abord un compagnon que l’on avait plaisir à garder, et qui devait donc être unique (d’où ma décision de faire des livres numérotés et signés), beau (d’où le choix du papier et du format, le travail avec l’imprimeur qui nous a accompagné depuis le début) et accordé à l’esprit que nous voulions donner à notre maison (Françoise a proposé la maquette de la couverture, a créé notre logo, et, sauf exception, assure les illustrations). 

Nos livres sont rares (le premier tirage est, en moyenne, de 500 exemplaires), mais ils ne sont pas plus chers que les livres déjà sur le marché.

Nous publions, généralement, cinq livres par an (ou plutôt, disons-nous, par « saison » en référence à la première, qui présentait, en même temps qu’un magnifique poème de Guennadi Aïgui, les quatre livres de Sur champ de sable – et les livres de cette première saison se sont trouvés épuisés en quelques mois…

Comment les trouver ?

D’abord, bien sûr, en librairie, de deux façons : dans une trentaine de librairies amies qui acceptent de les prendre en vente ferme, pas en dépôt, et puis, tout simplement, en les commandant à n’importe quel libraire.

Ensuite, sur ce site, à l’unité (en payant, naturellement, des frais de port supplémentaires, – mais en recevant une dédicace personnelle, puisque nous savons qui nous fait la commande).

Et puis, à la façon d’une AMAP, par abonnement. Pour une somme fixe, vous pouvez acheter l’ensemble des livres d’une saison comme on commande des paniers de légumes à des paysans : vous ne savez pas ce que vous aurez, mais vous savez d’où ça vient, – vous connaissez le producteur. L’idée est que si vous suivez notre travail, à Françoise et à moi, vous acceptez de nous faire confiance et vous pouvez avoir plaisir à vous laisser surprendre. Et faire que, là encore, nous, les auteurs, et vous, les lecteurs, nous travaillions en compagnons.  

Vous serez tenus au courant de la vie de nos Mesures sur ma page Facebook et le site de Françoise Morvan.

1er septembre 2023.